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Light of my life. JC Manuceau
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Light of my life. JC Manuceau
Light of my life
Cinema, musique et plus si affinités
Light of my life. JC Manuceau
27/04/202528/04/2025

Entretien avec Erwann Chandon : « Mon rêve musical est devenu réalité »

Connu sur la scène française depuis son premier long métrage en 2018 (Une année polaire), Erwann Chandon fait partie des compositeurs de musique de film qui comptent. Pour fêter les un an de mon site Light of my life, j’ai eu envie de lui demander de partager avec nous son parcours, ses rêves, ses envies, dans un entretien riche qui révèle son lot de surprises. Bien que né à Montpellier, il est souvent associé à la région lyonnaise, où il a poursuivi ses études et développé sa carrière musicale. Il a notamment obtenu un master en musicologie à Dijon, puis s’est spécialisé dans la musique à l’image au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon. Le dernier film qu’il a mis en musique, Natacha (presque) hôtesse de l’air, est sorti en salles le 2 avril dernier.

Avant d’arriver à la musique de film, tu as suivi plusieurs chemins de traverse. Dans une première vie, tu étais batteur dans des groupes de métal. Est-ce que c’est ta cinéphilie qui t’a ensuite conduit vers le cinéma ou est-ce que c’était vraiment une envie de faire autre chose au niveau musical ?

Mes parents m’emmenaient au cinéma tous les mardis soirs, c’était un rituel. J’ai ingurgité beaucoup de films, j’ai une cinéphilie un peu précoce. En parallèle, à l’adolescence, je faisais de la batterie et de fil en aiguille, en rencontrant des copains, on a monté un groupe de métal extrême. J’avais entre 15 et 25 ans, on a fait des tournées internationales sous différents noms. C’était vraiment super. On avait une petite renommée dans le milieu du métal. A cette époque, j’ai joué un peu de guitare, de basse, de claviers… Mais en parallèle, j’ai toujours gardé cette passion pour les films. Et c’est la musique des films que j’allais voir qui m’a véritablement fasciné. Je retenais les thèmes et sur mon petit clavier, j’essayais de les retrouver. Je me souviens du thème de Titanic (1997) de James Horner par exemple. Je me suis dis en sortant du film, « c’est quoi cette musique magnifique ? C’est quoi ces thèmes ? C’est quoi ces mélodies ? » Ah, c’est l’orchestre. Ok, C’est quoi l’orchestre ? Je ne connaissais rien, je ne venais pas du tout du milieu du conservatoire. Je ne savais même pas ce que c’était, mais j’aimais ce son-là et ces thèmes.

Ci-dessus : séance d’enregistrement de Nice Girls de Noémie Saglio (2024)

Tu as appris ces instruments tout seul ou tu prenais des cours ?

J’étais autodidacte. J’ai pris un an de batterie à six ans, puis après j’ai tout de suite arrêté parce que le solfège, je ne supportais pas ça et mes parents ont très vite compris que soit je continuais la musique sans le solfège, soit j’arrêtais la musique. Ils ont donc proposé de trouver un prof pour me faire travailler à l’oreille sans passer par les partitions. J’ai très vite abandonné le cursus de formation musicale.

Tes parents t’ont soutenu ?

Je ne sais pas si c’est bien au final parce que je crois que j’aurais aimé grandir avec le solfège et que ça devienne une langue naturelle. Parce que le solfège, ça reste quelque chose d’un peu laborieux pour moi, même si maintenant j’ai appris à le maîtriser. C’est comme quand on apprend une langue qui n’est pas notre langue maternelle, tu peux arriver à maîtriser le vocabulaire et à maîtriser les codes, mais au final ce n’est pas ma langue maternelle. Donc peut être que j’aurais préféré qu’ils insistent un peu plus. En tout cas, en parallèle de mon parcours de batteur, j’avais cette fascination pour les thèmes de musiques de films. En effet, je me souviens de Titanic, mais il y a aussi très vite Danny Elfman qui arrivait derrière avec Edward aux mains d’argent (1990). John Williams forcément, avec Star Wars, James Horner, etc.

Tu achetais les disques ?

J’ai eu une grosse boulimie à la fin de l’adolescence. Quand je suis arrivé en fac de musicologie à 18 ans, c’est là que j’en achetais beaucoup. J’étais vraiment très friand de B.O. Mais c’était un univers totalement inaccessible pour moi batteur de métal. Comment pourrais-je un jour composer pour un orchestre ? Totalement impossible.

Et c’est ça qui t’a donné envie, après le bac, de faire un master en musicologie ?

Je n’avais jamais mis les pieds au conservatoire, mais j’avais envie. J’ai fait un bac théâtre. Je ne suis pas tout de suite orienté vers la musique, ça devait me faire un peu peur l’académisme. J’étais un peu rebelle aussi ! Mais j’ai composé la musique de la pièce de théâtre qu’on jouait à la fin du bac. C’est là que je me suis dit ok, j’arrête le théâtre et je me consacre à la musique. Donc fac de musicologie. Là, j’ai appris ce que c’était que l’orchestre. Et puis l’histoire de la musique, les compositeurs classiques, romantiques, impressionnistes… J’ai appris en trois quatre ans à me forger un goût aussi. Me dire par exemple Mozart, en fait, je n’aime pas cette esthétique, je reconnais que c’est hyper bien fait et que c’est une science. C’est tellement parfait la manière dont il orchestre et dont il compose. Mais ça ne me parle pas. Bach pareil. Par contre, Ravel, Debussy, Stravinsky, Poulenc…

Ci-dessus : séance d’enregistrement de Nice Girls de Noémie Saglio (2024)

Tu es plus romantique et impressionniste, et pas trop allemand austère.

C’est pas moi qui l’ai dit (rires). Mais oui. Et j’ai appris à me forger un goût. A voir aussi où les compositeurs de musiques de films que j’adorais puisent leur inspiration, plutôt dans tel mouvement que dans tel autre. Et puis là, il y a une incursion de telle ou telle esthétique musicale, ou peut être un usage de la musique contemporaine comme dans Rencontres du troisième type (1977). C’était un apprentissage assez compliqué parce que je ne savais pas lire la musique. J’ai redoublé ma première année de musicologie parce que j’étais largué.

Tes collègues eux étaient à l’aise.

Souvent, c’étaient des gens qui avaient déjà appris un petit peu, qui avaient fait le conservatoire ou qui savaient lire la musique. C’était une folie d’arriver en musicologie sans savoir lire la musique ! Mais j’ai rattrapé mon retard petit à petit. J’ai entendu parler d’un master pro « musique appliquée aux arts visuels » à Lyon. On m’a conseillé de postuler et c’est là que j’ai commencé à mettre un peu plus un pied dans la composition.

Comment se passaient les cours ?

Les professeurs avaient conscience que quand on veut faire de la musique de film, on ne commence pas forcément par la musique d’un long-métrage cinéma. Il y a plein d’autres manières de faire de la musique de film et de la musique à l’image. Et ils me faisaient rencontrer des étudiants qui avaient des petits courts métrages à faire, des étudiants en animation ou en cinéma, en prise de vue réelle. C’est là que j’ai commencé à collaborer avec des étudiants en passant par des instruments virtuels. On n’avait pas encore la possibilité d’enregistrer avec de vrais orchestres. J’ai appris à émuler un faux orchestre avec des instruments virtuels et à discuter avec un réalisateur ou une réalisatrice. C’était une révélation, parce que je me suis rendu compte que la communication passait bien, j’arrivais à comprendre ce qu’ils voulaient, parfois d’une façon intuitive.

Ci-dessus : séance d’enregistrement de Nice Girls de Noémie Saglio (2024)

Souvent, les réalisateurs ne savent pas ce qu’ils veulent en termes de musique.

Tout à fait. C’est là que je me suis dit : il va falloir vraiment passer à l’étape suivante, apprendre l’orchestration, apprendre l’harmonie classique et creuser en profondeur toutes les connexions qu’il peut y avoir entre deux notes, trois notes, un accord pour exprimer des émotions complexes. J’ai postulé à la classe de composition du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon. J’ai un peu raccroché les wagons du sérail, du conservatoire, alors que je n’avais vraiment pas le niveau pour y être reçu en classe de composition. Mais contre toute attente, j’ai été pris quand même, plus sur ma sensibilité et mon envie que sur ma formation musicale. Mon bagage était trop faible. J’ai eu la chance de tomber sur un super professeur qui s’appelle Gilles Alonzo qui m’a dit : « On voit bien qu’il te manque un bagage mais on décèle quand même un potentiel, donc on te prend. Mais attention, c’est une année probatoire, il faut vraiment rattraper ton retard en solfège, en harmonie et en orchestration. » Donc là, j’ai passé un an à charbonner. Ce n’était pas pénible parce que j’avais l’impression d’être face à un mur où il manque des briques. Progressivement, je comblais les trous dans le mur. J’avais aussi compris par moi-même pas mal de choses. Et je solidifiais mon mur avec ce qu’on m’apprenait. J’entendais cet accord, mais je n’avais pas posé de nom dessus. Ça s’appelle comme ça. Génial. C’était très intéressant.

Ton parcours, c’est vraiment un mélange d’autodidactisme et d’apprentissage classique.

C’est vraiment ça. Le cursus conservatoire m’a apporté ce qui me manquait. Je ne vais pas me jeter des fleurs, mais j’avais une bonne sensibilité musicale. Il me manquait tout de même tout un tas de choses que plein de compositeurs avaient trouvé et théorisées. Et c’est ça que ça m’a apporté.

Tu es passé petit à petit des courts métrages aux longs métrages. Ça s’est passé graduellement, j’imagine, sur une période de dix ans. C’est ça, une dizaine d’années.

Oui, c’est ça. J’ai fait beaucoup des courts métrages de 2008 à 2018 ainsi que pas mal de musique pour des pièces de théâtre sur Lyon, des musiques pour des jeux vidéo, le design sonore d’applications… J’ai accepté tout ce qu’on me proposait, pourvu qu’il y ait un peu de musique dedans et que je puisse pratiquer et montrer ce dont j’étais capable. Des films institutionnels aussi, qui n’étaient pas très intéressants, où je me contorsionnais dans tous les sens pour essayer de faire un peu d’orchestre. Mais bon, on me disait : « Mais on s’en fiche de l’orchestre, nous, on veut de la pop. » Donc c’était un peu compliqué, pour moi qui suis fasciné par l’orchestre, d’accepter tous ces projets pour pouvoir gagner un peu d’argent. J’essayais à chaque fois de tirer vers ce que j’aimais faire : c’est à dire la mélodie, le thème, l’orchestre.

Ci-dessus : séance d’enregistrement de Nice Girls de Noémie Saglio (2024)

Et pendant toutes ces années, tu as réussi à en vivre quand même ?

J’étais surveillant dans un lycée les trois premières années, de  2013 à 2016, parce que je n’arrivais pas à gagner assez d’argent pour en vivre. Je n’avais pas un réseau assez solide. Et puis je participais à des petits projets. J’ai fait des pubs télé aussi sur la fin. C’est là que je me suis dit plus jamais ! Parce que certes, c’est lucratif, mais c’est trop contraignant en termes de temps. Et j’avais l’impression d’être nul, de n’avoir aucune valeur. On me disait : « Tu fais douze versions, puis ah non ça ne va pas… » Aucune valeur créative. Donc j’avais l’impression que tout ce que je pouvais apporter, c’est à dire trouver un thème, trouver des harmonies, ça n’avait aucune valeur dans ce contexte-là. Ça m’emmerdait. Je n’avais pas envie de faire ça. Je me suis dit que je perdais mon temps : « Je veux aller à Hollywood, faire les thèmes du prochain film de Spielberg ! » Un premier long métrage est arrivé en 2018, quand j’ai déménagé à Paris, qui s’appelle Une année polaire. Il n’y avait pas beaucoup de budget, mais c’était déjà un film de cinéma où il y avait vingt minutes de musique et où je pouvais m’exprimer avec un quatuor à cordes, une clarinette, un cor et un trombone et une guitare. Le réalisateur voulait un thème, donc j’ai eu la possibilité de pouvoir expérimenter sur un format long mes envies, mes idées et tout ce que je pouvais communiquer aux personnages pour qu’ils soient encore plus émouvants. Pour que les aventures soient plus épiques, que le spectateur doute un peu plus avec les personnages. Essayer de mettre en valeur les émotions avec la musique.

Et le premier long métrage a mené vers d’autres contrats ?

Via les producteurs et les superviseurs musicaux oui. J’ai commencé à tisser mon réseau de fil en aiguille.

Sans être sur Paris, c’est difficile de réussir à percer dans le milieu ?

J’ai l’impression. Parce que tout le monde a envie de rencontrer les gens avec qui on travaille et c’est pratique de les avoir à portée de main. Donc là, sur le dernier film (Natacha, presque hôtesse de l’air), j’ai passé beaucoup de temps en salle de montage, ce que je n’aurais pas pu faire si j’avais été dans une autre ville. Souvent, j’étais appelé un peu à la dernière minute. On me disait : « On a un problème sur une scène. Il faudrait que tu passes en salle de montage pour voir un peu, pour débloquer, nous suggérer des idées, avoir un peu les mains dans le cambouis. » De plus, si le monteur a du mal à trouver un morceau de musique temporaire pour rythmer la scène, je peux venir pour discuter. Parce qu’un coup de fil c’est bien, mais il faut vraiment être autour de l’image pour dire : « Là, essaye un petit peu plus tard, un petit peu plus tôt, essaye un morceau plus rythmé pour voir », pour vraiment travailler la matière ensemble.

Et ça, c’est un luxe. Parce qu’à Hollywood, au moment du montage, le plus souvent, le compositeur est déjà passé à un autre film.

Exact. C’est pour ça que le rêve hollywoodien, j’en suis un peu revenu et je suis très content d’être en France et de la manière dont ça se passe chez nous.

Est-ce qu’on peut parler des compositeurs qui t’ont influencé ? Est ce qu’il y en aurait un que tu citerais comme ça, spontanément, plus que les autres ? Est-ce que tu es fan par exemple de l’âge d’or hollywoodien ?

J’ai découvert ça plus tard, car au début, c’était le cinéma des années 1990 qui m’intéressait car c’était la période où j’allais voir les films. J’avais entre cinq et quinze ans à cette époque, je suis né en 1985.

Tu as 40 ans cette année.

Merci de me le rappeler ! (rires) Et donc, j’ai grandi avec le cinéma des années 1990. Par la suite, m’étant passionné pour la musique de films, j’ai regardé ce qui avait été fait un peu avant. Et oui, en effet, jusqu’aux années de l’âge d’or hollywoodien.

Mais ton premier choc, c’était Goldsmith ? Williams ?

Je crois que c’était un peu après. Au début, c’était plutôt Danny Elfman et Alan Silvestri, la période Retour vers le futur, Edward aux mains d’argent… Un peu plus tard, j’ai découvert la grande période des années 70-80 de Jerry Goldsmith et John Williams. Et j’ai pris une énorme claque avec Jurassic Park (1993) et tous les films que Williams a fait dans les années 1990. Je crois que je n’étais pas encore assez armé pour comprendre la subtilité du langage de Williams à ce moment-là. J’ai appris à savourer tout ça plus tard.

Vers 18-19 ans, en fac de musicologie, je commençais justement à avoir un peu plus de bagage musical pour apprécier la subtilité de ces harmonies. Et je n’en suis toujours pas revenu. Par contre, c’est toujours John Williams qui me fascine, comme beaucoup d’entre nous. Mais pour revenir sur l’âge d’or, je l’ai découvert après et j’ai beaucoup aimé. J’aime tous les outils. C’est exactement le même outil qu’un Williams ou qu’un Goldsmith, sauf que les usages de cette époque en termes harmonique et mélodique me parlent un peu moins même s’il y a beaucoup de choses qui me plaisent. Mais je ne suis pas tombé amoureux d’un Steiner ou d’un Korngold. C’est hyper bien fait. Il y a quelques thèmes qui me parlent. Mais pas toute la musique. Il y a des choses que je trouve un peu datées, qui lorgnent plus du côté de Tchaïkovski plutôt que du côté de Ravel. Et donc oui, à partir du moment où j’ai découvert Williams, ça a été une sorte d’illumination. En fait, on peut avoir une musique qui est aussi riche que ça sans pour autant que la musique tire la couverture à soi et prenne toute la place. Mais il faut avoir un langage, un vocabulaire musical suffisamment développé pour pouvoir à tout instant utiliser telle ou telle couleur mélodique, harmonique, telle orchestration, pour pouvoir se couler dans la narration.

On n’a pas encore parlé de Morricone. Est-ce que ça fait partie des compositeurs qui t’ont influencé ? Chez lui, il y a une plus grande palette orchestrale et instrumentale que chez Williams. Il explore plein de choses différentes. Est-ce que ça t’a influencé ?

Bien sûr. Il y a deux phases pour moi avec Morricone. Je crois que ça remonte même bien avant ma cinéphilie d’adolescent et de pré-ado. J’avais une platine vinyle dans la maison familiale avec des vinyles et j’étais passionné par celui qui s’appelait Les grandes musiques de western. Je vois encore la pochette avec un cow-boy de dos, avec un Colt et un cheval au loin. J’étais fasciné par ce truc-là. Et il y avait Dimitri Tiomkin, beaucoup de Morricone, tous les compositeurs des westerns des années 1950. Et je l’écoutais en boucle. Donc j’ai été en fait abreuvé par le langage plutôt western de Morricone, mais pas que. Et après, je m’en suis complètement détaché parce que c’étaient juste des musiques que j’adorais écouter. Mais il y a eu cette phase là où j’ai adoré Morricone, son langage western.

Et après j’avais une compilation de quatre CD de Morricone en fac de musicologie. Je me suis dit bon, je vais quand même m’intéresser à ce gaillard parce que ça a l’air d’être une référence en musique de film. Et puis j’ai écouté et il y a beaucoup de choses qui ne m’ont pas plu en fait. Il y avait beaucoup de choses, des comédies, des choses avec des sons des années 1970, un peu comme Vladimir Cosma, des recherches, un peu électro. Et à l’époque, moi, je commençais à découvrir Williams et j’étais dans Star Wars à fond. Et ça me parlait moins. En même temps, il y avait des grands thèmes comme Mission que je trouvais tellement beaux. Mais je n’ai pas compris le personnage. Maintenant, après avoir vu le documentaire magnifique sur lui il n’y a pas très longtemps (Ennio, Giuseppe Tornatore, 2021), on comprend mieux le personnage. Je crois qu’à l’époque où je l’ai découvert, je n’ai pas compris et je l’ai mis de côté parce que mon cerveau n’était pas capable d’analyser comment un mec peut à la fois faire un morceau que je déteste et un autre morceau que j’adore. Je n’en suis toujours pas vraiment revenu. Il y a une espèce de « chose Morricone » qui plane là, je sais que je m’y plongerai un jour. Je sais qu’il y a des choses qui me font fondre, qui m’émeuvent au plus haut point. Et en même temps, il y a des choses que je trouve tellement anecdotiques que je n’aime pas. C’est assez complexe.

En écoutant tes BO ces derniers jours, j’ai reconnu quelques clins d’œil à des scores qu’on aime tous. Il y a du cymbalum par moment qui fait penser à John Barry par exemple et on sent que vraiment, ton bagage, ta connaissance de la musique de film est liée à tout ce qui s’est passé au XXᵉ siècle et que c’est pour toi comme une caisse à outils dans laquelle tu pioches ce dont tu as besoin.

Exactement. C’est vraiment ça. Et ma boussole – parce qu’il y a tellement de choses rien que dans le 20ᵉ siècle – c’est mon goût. Avec les années, j’ai appris à me faire confiance. J’ai 40 ans, j’en suis presque encore au début. Mais je crois que j’ai compris ce que j’aime et ce que j’aime moins, et du coup je pioche des éléments dans tous ce qui a été créé, ce qui a déjà été découvert et redécouvert et redécouvert et retransformé par certains. J’isole ce que j’aime écouter et je me dis OK, qu’est ce qui s’est passé à ce moment-là ? Ce passage, il m’émeut, il me fait pleurer à chaque fois. Qu’est ce qui se passe harmoniquement ? Quelle est la recette ? Comme un plat qu’on aurait goûté. Qu’est-ce qu’ils ont mis dedans ? Quels sont les ingrédients ? Et maintenant, on a la chance d’avoir accès aux partitions d’orchestre. J’en ai beaucoup acheté de Williams. Beaucoup. Et maintenant, il y a des éditeurs qui éditent aussi du John Barry, du Alan Silvestri, du Danny Elfman, du Jerry Goldsmith. J’ai beaucoup acheté ces partitions pour avoir accès au livre de recettes. Qu’est-ce qu’ils mettent dedans ? Et après ? J’analyse tout seul au piano. Là, il passe de cette tonalité à cette tonalité-là. Sur tel mode ou tel mode. C’est malin mais c’est trop bien ! Enfin c’est de la folie.

Ce n’est pas trop paralysant justement de se concentrer sur les partitions ? C’est comme un écrivain qui ne lirait que des grands écrivains. Et du coup, une fois qu’il se retrouve devant la page blanche… Ce n’est pas ce que tu ressens un peu parfois, cette angoisse de la page blanche ou pas du tout ?

Pas trop, non. C’est vraiment comme tu disais, c’est une caisse à outils. A partir du moment où j’ai identifié certains types d’enchaînements d’accords, certaines harmonies, certains modes, certaines manières d’orchestrer… Il y a eu une période, d’ailleurs, où je tenais un carnet dans lequel je notais tout ce que je trouvais émotionnellement fort, que ce soit dans l’angoisse, la tendresse ou la passion… Je notais les procédés mélodiques ou harmoniques, et finalement, ça devenait pour moi une sorte de caisse à outils, très concrète. Donc c’était, je pense, pour lutter contre le syndrome de la page blanche, je me disais que j’avais des armes contre ça.

Quand j’ai besoin d’une scène de contemplation, avec un peu de nostalgie, mais un peu de rage dedans, un peu de de colère, je sais que j’ai mon armoire avec mon tiroir nostalgie, avec mon tiroir regret, amertume. Je sais qu’il y a des éléments harmoniques et mélodiques que j’associe avec ma sensibilité à certains types d’émotions. Je vais mettre cette rythmique, ce type d’orchestration un peu éthérée ou avec une rythmique un peu martelée comme ça et harmoniquement, il va se passer ça. Il y a tellement de couleurs possibles que ça peut être un peu vertigineux parce qu’il y a trop de possibilités. Et puis ça arrive aussi de partir dans une direction et de se rendre compte petit à petit, au fil du temps qui passe, que ce n’est pas la bonne direction.

J’ai vraiment l’image de la mayonnaise qui ne prend pas, tu mets tous les bons ingrédients, mais ça ne prend pas, tu t’acharnes, mais ça ne prend pas. Pour voir que ça ne prend pas, il faut quand même s’acharner un peu. Dans la composition, si tu ne vas pas au bout de l’idée, tu ne vas pas voir que ce n’est pas la bonne idée. C’est ça qui est un peu frustrant parfois, mais qui est aussi passionnant parce qu’on apprend à chaque fois. Bon, je croyais que ces éléments-là étaient bons pour faire une scène, pour souligner telle émotion et tout ça. En fait non, c’est plus subtil que ça et ça remet en question et ça enrichit. Et si tant est qu’on ait un peu de temps, c’est intéressant de fouiller et de se tromper justement. Avec un réalisateur complice, on peut dire j’ai essayé ça.

Ce que j’apprécie dans ton travail, c’est ton sens de la mélodie. Pour moi, c’est vraiment une bouffée d’air frais, à une époque où la mélodie symphonique au cinéma semble un peu en déshérence. Est-ce que c’est, chez toi, une position assumée, presque militante ? Ou simplement le reflet de tes goûts personnels ?

Les deux. Ce sont mes goûts personnels. C’est avec cette musique là que j’ai grandi et c’est cette musique-là qui m’a procuré le plus d’émotions. La musique mélodique, c’est en me chantant les mélodies que je ressaisis l’atmosphère du film. Ce n’est pas en réentendant les harmonies. Quand j’avais douze, treize, quatorze ans, c’était trop complexe pour que je saisisse l’harmonie. Mais par contre, la mélodie, on peut s’y accrocher. Et je m’y suis tellement accroché et c’est ça qui m’a ému. Donc c’est comme ça que je fais de la musique. Il y en a qui vendent des poignées de porte. Moi, je vends des mélodies ! (rires)

Mais est-ce que tu sens une réticence chez les réalisateurs ? Certains veulent-ils l’approche à la Hans Zimmer, « sound design » et tout ça ?

Tout à fait. Et c’est pour ça que je mets les choses au clair dès le début. Je demande au réalisateur : « Pourquoi tu as fait appel à moi ? Qu’est-ce que tu as entendu de moi ? Est-ce que c’est quelqu’un qui t’a recommandé mes services? Mais tu n’as rien entendu de ce que j’ai fait. » Ce qui arrive. Il y a des réalisateurs qui m’embauchent et qui n’ont rien entendu de moi. Ils se disent : « On me l’a recommandé. Il a l’air fiable. Il a fait tel film, tel film. Ça a l’air d’être quelqu’un de confiance parce que voilà, il a montré patte blanche dans le milieu du cinéma. Et donc il va bien faire ce que je lui ai demandé de faire. » C’est le cas de beaucoup en fait. Donc quand je m’en rends compte, je demande : « Qu’est-ce que tu as entendu de moi ? Pourquoi tu as fait appel à moi ? Est-ce tu es ok sur le fait que dans ton film, que je n’ai pas encore vu, il y aura de la mélodie, il y aura une orchestration, il y aura une musique qui sera présente et qu’on va retenir après avoir vu le film ? Tu es ok avec ça ou pas ? Est-ce que c’est ce dont tu as envie ? » Alors des fois oui, des fois non. Ils peuvent dire : « Moi j’aime bien quand la musique est discrète, quand il y a juste comme un voile qui se pose sur l’image. » Très bien. Alors j’ai tout un tas de potes compositeurs et compositrices que je vais pouvoir lui recommander, qui le font très bien et qui adorent faire ça. Par contre, si je le fais, ça va forcément mal se passer parce que je vais être frustré et lui aussi. Je vais toujours lui proposer plus. Et il va me dire toujours non. Donc on ne va pas s’entendre, Je ne suis pas la bonne personne. Dans ce cas, je dis : « A la prochaine ! » Par contre s’ils me disent oui, là c’est super parce que je sais que je suis en terrain en terrain safe. C’est une safe zone. On parle le même langage, on raconte les histoires de la même manière.

Tu sais que tu vas pouvoir t’exprimer librement et tu n’auras pas une résistance permanente. D’ailleurs, j’aimerais savoir comment est-ce que tu abordes la composition ? La plupart des compositeurs composent principalement en regardant un premier montage, sauf à quelques exceptions près où ils ont écrit à partir du scénario. Est-ce que tu as besoin des images pour être inspiré ou est-ce que le scénario peut déjà t’apporter quelque chose ?

J’ai besoin des images pour être inspiré par le rythme, le rythme bête et méchant, les BPM que je vais trouver pour chaque scène. Ça, je trouve que c’est très difficile de se le représenter avant d’avoir le montage, avant d’avoir les images, le jeu des comédiens. Par contre, pour les thèmes, j’aime bien trouver les mélodies dès la lecture du scénario, sans justement être « pollué » par l’image et par le rythme des scènes et contraint par le format un peu plus ramassé de la mise en scène qui des fois ne laisse même pas la place pour faire un début de mélodie. J’ai l’impression que si je composais mes thèmes sur l’image, je n’aurais jamais la place. Je commencerais la mélodie, puis tout de suite il y a une scène, après il y a des dialogues et tout ça. Je me dirais bon bah tant pis, je vais faire une toute petite mélodie en fait. Donc, je préfère laisser ça pour le moment où j’aurai déjà les thèmes et où il faudra trouver le rythme de la musique.

Est-ce que tu dirais, comme John Williams, que les thèmes c’est ce qu’il y a de plus dur à trouver ?

Oui, carrément. Je ne savais pas qu’il avait dit ça.

Oui, il a dit ça. Il a dit que par exemple sur « Indiana Jones », il a passé des semaines et des semaines pour trouver le thème qui est d’ailleurs l’ajout de deux motifs.

Ah oui, j’avais vu.

Il avait deux thèmes et Spielberg lui a dit : « Tu n’as qu’à les mettre ensemble ! »

Ça fait un A et un B.

Il pouvait passer deux ou trois semaines juste pour trouver un thème. Mais après, c’est tellement riche que ça te reste à l’esprit. C’est ça la difficulté. C’est ça qui est bien aussi dans ton travail, c’est que là, par exemple, dans « Complètement cramé » le thème principal, il reste en tête.

Pour Complètement cramé, ce qui est un truc de fou et je n’en reviens toujours pas, c’est que le thème n’est pas de moi. J’aurais peut-être fait un truc vraiment similaire, mais le thème c’est le réalisateur Gilles Legardinier qui me l’a soufflé. Je sais que je suis control freak sur le thème pour qu’il soit au cordeau parce qu’il faut pouvoir faire des variations. Et ça, c’est tellement important qu’il y ait un potentiel à la fois simple et à la fois suffisamment riche et complexe pour qu’on puisse en faire des déclinaisons dans tous les modes possibles et imaginables. Mais je ne comprends encore pas aujourd’hui comment il a pu pondre ce thème qui est hyper bien structuré.

J’ai sauté sur le piano pour l’harmoniser en fonction de ce que j’avais déjà pressenti de la couleur harmonique du personnage d’Andrew (joué par John Malkovich). J’avais vraiment des idées harmoniques assez claires. Je lui ai envoyé plusieurs essais d’orchestration en maquette avec des cordes et plusieurs variations, donc il avait déjà pas mal de matière au tournage pour faire écouter le thème et mettre l’équipe sur la bonne direction émotionnelle.

Est-ce qu’il y a eu des cas dans d’autres films où tu as été confronté aux morceaux temporaires ? Ces fameux morceaux qui restent collés dans la tête du réalisateur et dont il n’arrive pas à se séparer.

Ça arrive tout le temps.

Et puis ils piochent souvent chez les plus grands compositeurs… Est-ce que ça te met une certaine pression ?

Carrément ! Mais en même temps, ça peut inspirer aussi. Parce que je parlais du tempo des scènes tout à l’heure. Le rythme. Il y a un rythme qui est hyper précieux pour le compositeur. C’est vraiment un battement, c’est le battement du cœur de la scène. Il y a un rythme qui est particulier, sur lequel le monteur va caler tous ces sons, tout son montage. Il le fait instinctivement. Quand il a collé une musique sur le montage, tout en découle. C’est pour ça qu’ils ont tellement besoin de mettre une musique temporaire. Et je pense que ça peut nourrir d’une certaine manière le compositeur parce qu’il ne s’agit pas de faire table rase et de dire cette référence, elle est nulle, je veux faire ma musique, je ne veux partir de rien. Il faut réussir à saisir ce qu’ils ont aimé, c’est là que la technique musicale est précieuse. Je reprends le concept et je vais faire une autre musique. En fait, ça peut quand même nourrir d’une certaine manière les musiques temporaires, à condition de pouvoir s’en détacher. Il faut réussir à isoler les éléments qu’ils ont aimés, tout en s’affranchissant des autres. Et là on va repartir dans quelque chose de libre, mais sous une certaine forme de contrainte.

On va parler pour conclure de tes projets. Mais avant, j’avais une question plus générale sur l’état de la musique de film actuelle. On parle beaucoup de l’IA qui fabrique de faux morceaux composés par de faux compositeurs qui abreuvent les sites de streaming. Toi, de ton point de vue, comment est-ce que tu vois l’avenir de ton métier ?

Et bien je suis assez optimiste parce que quand je vois la subtilité des rapports entre réalisateurs et compositeurs, la manière dont on parle d’émotions, de choses complexes, des fois on parle de nous, de nos vies, de nos regards croisés sur la, sur la vie, sur notre enfance, notre manière de voir les choses. Et ça donne de vraies discussions qui peuvent être intimes, pour arriver à se comprendre et arriver à avoir une direction commune pour ne serait-ce que faire une première proposition, poser une première pierre et ensuite la modifier. Et je ne vois pas comment un réalisateur pourrait se satisfaire d’un pavé posé dans la marre par une IA qui va dire : « Tiens ton morceau, voilà, c’est ça. » Même si après on peut le modifier, j’imagine que dans les mois ou années à venir, l’IA va faire de tels progrès qu’on va pouvoir dire ce morceau est super, mais si tu n’as pas en face quelqu’un qui va te demander : « Est-ce que tu trouves que l’élément rythmique est intéressant ? Est-ce que tu aimerais qu’on accélère un petit peu ou qu’on ralentisse ? Et quel élément ? La harpe, le piano, les percussions ? » Enfin, c’est tellement complexe que j’ai du mal à voir comment un réalisateur ou une réalisatrice pourrait se satisfaire d’un truc à l’emporte-pièce comme ça. Parce que l’IA elle pond des morceaux, pas des trames musicales, des continuités en fonction de la narration qui va switcher de 15 à 17 secondes et qui va s’éclairer tout d’un coup parce qu’on a changé de personnage et que ce personnage est plus lumineux. Enfin, ça me paraît tellement complexe que je ne comprends pas comment un raconteur d’histoire pourrait se satisfaire de ça.

C’est une question politique aussi. Est-ce qu’il y aura une autorité qui sera mise en place pour protéger justement le travail d’artistes comme toi ? C’est ça qui est important. Ça commence déjà à se mettre en place en Europe.

En tout cas, je crois que ça relève aussi de la responsabilité des compositeurs et compositrices d’avoir un langage, un vocabulaire musical suffisamment riche et diversifié pour pouvoir aller chercher de la subtilité et de l’élégance dans la musique et quelque chose de…

Un côté humain, tout simplement, une sensibilité humaine, qu’une machine ne peut pas apporter en fait. C’est sûr.

L’IA, ça peut être impressionnant comme ça sur un morceau donné. Je me souviens avoir été impressionné par plusieurs morceaux, mais sur une durée de deux minutes parce que tu lui as demandé de pondre un truc de comédie musicale genre Stephen Sondheim qui est infiniment complexe. Tu lui demandes d’imiter quelque chose de complexe et il va singer quelqu’un de brillant, pendant deux minutes, mais comment ça se traduirait dans le temps long ?

J’imagine que tu as des rêves. Ce qu’on appellerait une « bucket list » des choses que tu aimerais absolument faire dans ta carrière. Et je serais curieux de savoir ce que tu aurais envie de faire, je ne sais pas, une comédie musicale ? Est-ce que tu aurais envie de faire un western ?

Ça me fait très peur. La comédie musicale.

Où est ce que tu as des rêves ? Même en dehors de la musique de film ? Un album de variété, un album de jazz ?

Je crois que mon seul rêve en fait, je sais que je suis déjà dedans. Parce que bon, j’ai envie de pouvoir rencontrer des réalisateurs qui parlent le même langage que moi, c’est-à-dire qui veulent faire un cinéma populaire, intelligent. Ce n’est pas parce qu’on parle au plus grand nombre qu’il faut prendre les gens pour des idiots. Vraiment, la manière Spielberg et Williams, c’est on raconte des histoires qui parlent à tout le monde. Même dans le domaine du fantastique. On ne compte plus les histoires qui vont plus loin que la réalité, mais qui vont toucher le cœur des spectateurs. Parce qu’elles nous parlent à tous.

Il y a une vérité humaine.

Oui, il y a quelque chose qui nous parle à tous. Comme dans E.T. l’extraterrestre (1982). On nous parle du sentiment d’abandon.

Et de la perte, du deuil.

Williams a la capacité, avec des mélodies, d’aller nous cueillir, d’aller chercher des sentiments qui vont nous émouvoir et nous faire réfléchir sur nous-mêmes et notre manière de voir le monde. Mais pas en nous asséchant, pas en nous montrant comme la vie est dure. Au contraire, en nous montrant comme la vie est belle. On peut évoquer cette fameuse suspension d’incrédulité. Le moment où tous les éléments du cinéma sont mis en œuvre de telle sorte qu’on y croit et qu’on…

… oublie le monde réel. En fait, on est complètement emporté dans la fiction.

On oublie que ce n’est pas possible qu’Elliott décolle en vélo. Non, on est avec eux. Et ça, c’est le rôle de la musique de nous faire lâcher la réalité et de nous faire lâcher ce fameux : « Ce n’est pas possible là ce qui se passe. » Non, on y croit et on est embarqué dans les émotions. Donc, je souhaite rencontrer des réalisateurs qui racontent des histoires comme ça, c’est ça ma bucket list.

Tu aimerais rester dans le cinéma, mais en abordant peut être plus de genres, des genres différents auxquels tu ne t’es jamais attelé ?

Tout à fait.

Est-ce qu’il y a des cinéastes avec qui tu rêverais de travailler ?

Steven Spielberg.

Bien sûr.

Il y en a un qui me parle beaucoup et c’est marrant parce qu’il n’utilise pas la musique au sens où j’aime la composer, mais je l’aime tellement, c’est Sam Mendes. Il a vraiment quelque chose. Ses films me font fondre. Et la musique de Thomas Newman ! Je suis tombé par terre de beauté. Enfin, ce n’est pas une musique que je compose. Il a inventé un style tellement imité, jamais égalé, que ça m’attrape à chaque fois. Sa manière de raconter les histoires me touche beaucoup.

Quels sont tes projets ?

Il y aura Chasse gardée 2. Ce qui est super, c’est que j’ai adoré mettre en musique Chasse gardée (2023). Vraiment là pour le coup, on est tombé amoureux avec les deux réalisateurs (Frédéric Forestier et Antonin Fourlon). On avait les mêmes références des comédies américaines des années 1990. Il y avait beaucoup de place pour la musique, les thèmes. Moi, j’avais en tête Menteur, menteur ! (1997) avec la musique de John Debney. J’adore cette musique. J’adore la manière dont elle se coule dans la narration. C’est presque une musique de cartoon par moments, alors qu’on est en prise de vue réelle. Même si Jim Carrey est cartoonesque. Mais il y a une manière de ne pas avoir peur que la musique pousse un peu plus l’émotion. Et ça, ça faisait partie de mes rêves. Il y a aussi beaucoup de comédie. Du coup, ça me fait vraiment très plaisir de retrouver cette équipe. Le film est en tournage, je compose cet été et on enregistre en septembre, donc quarante-cinq minutes d’orchestre avec du thème, avec de la mélodie et un budget suffisant.

Tu ne veux pas tout faire dans ton studio ?

Non, il faut que ce soit enregistré par un orchestre. J’y tiens particulièrement, parce que je veux que la musique soit vivante. En fait, ce qui m’a fait rêver — même si j’ai beaucoup d’admiration pour lui et que j’adore sa musique — ce n’est pas Vangelis, c’est John Williams, et c’est l’orchestre symphonique. C’est le fait de se retrouver avec cent musiciens, tous en train de jouer ensemble, et d’entendre cette musique naître en direct. L’orchestre, c’est tellement beau que je tiens à en faire le plus possible, à mon échelle modeste, pour faire perdurer cette tradition qui, malheureusement, tend à se perdre un peu.

Je trouve ça génial.

Les maquettes, parfois, ce n’est pas le jour et la nuit comparé au produit final. Mais ce qui change vraiment, c’est la démarche artistique, qui est presque d’ordre philosophique, voire politique. Pour moi, il y a un véritable engagement à faire participer l’orchestre, les copistes qui réalisent les partitions, l’ingénieur du son qui va enregistrer et mixer l’ensemble… C’est tout un écosystème, toute une équipe derrière. Et ils doivent pouvoir vivre de leur métier.

On aboutirait à un objet bien moins riche s’il était réalisé uniquement sur un synthé ; ce ne serait plus du tout la même chose.

Oui, la musique que je compose et qui n’est pas enregistrée a beaucoup moins de valeur à mes yeux.

Bon, et pour tes autres projets, on verra bien.

Ça viendra. Il y a le prochain film de Noémie Saglio aussi qui a réalisé Natacha (presque) hôtesse de l’air. Son prochain film sera une belle histoire d’amour. Il y a aura aussi deux films d’animation avec des chansons, vraiment à la Disney. Un en stop-motion et un en animation traditionnelle 2D. J’ai hâte. Mais bon, l’animation c’est tellement long à réaliser, ce sera dans les trois-quatre ans à venir.

Merci beaucoup Erwann de nous avoir donné de ton temps et bonne route musicale !

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