A ce rythme, Werner Herzog va devenir le chouchou de ce blog, tant j’ai déjà eu l’occasion de parler ici de son travail d’écrivain à propos de “Conquête de l’inutile”, ainsi que lors de la parution de “Mémoires, chacun pour soi et Dieu contre tous”. Une interview avec Piers Morgan montrait déjà un cinéaste affable abordant divers sujets d’actualité. Le 22 décembre dernier, le cinéaste allemand était interviewé chez lui à Los Angeles pour le Sunday Morning de CBS, un entretien d’une heure trente avec le présentateur de Turner Classic Movies Ben Mankiewicz, lequel fait partie de la fratrie qui comprend le scénariste de Citizen Kane (Herman J. Mankiewicz) ainsi que le réalisateur de Ève et Cléopâtre (Joseph L. Mankiewicz).
Dans cet entretien passionnant, Ben Mankiewicz utilise les mémoires du cinéaste parues chez Seguier comme fil rouge pour mener la conversation. Parmi les sujets abordés, on trouve pèle mêle les vertus du voyage pédestre (“Le monde se révèle à ceux qui voyagent à pieds”), l’aversion d’Herzog pour la psychanalyse qu’il considère comme un des maux du XXe siècle, son séjour dans le Heartland des États-Unis quand il était jeune adulte, sa rencontre avec Klaus Kinski et les cinq films tournés avec lui…
Il souligne également l’indifférence, voire le mépris rencontré par la sortie de son film Aguirre la colère de Dieu en Allemagne en 1972, ainsi que ses amitiés avec l’écrivain britannique Bruce Chatwin et l’historienne du cinéma allemande Lotte Eisner, qui a eu une grande influence sur lui.
Jamais avare de ses innombrables expériences (“J’ai déjà vécu dix fois”) et des leçons que la vie lui a apprises, Werner Herzog raconte notamment la fois où il a déménagé d’Allemagne aux États-Unis pour retrouver sa compagne avec pour tout bagage une… brosse à dent et la grande suspicion des douaniers qui l’interrogent pendant six heures !
Autodidacte complet qui a appris de ses erreurs, il déclare qu’on apprend plus en regardant de mauvais films que des bons. Il avoue qu’il a adoré jouer les méchants dans Jack Reacher (2012) et The Mandalorian (2019) et qu’il aurait interprété lui-même le rôle de Fitzcarraldo (1982) si Klaus Kinski avait refusé de remplacer un Jason Robards malade ayant quitté le tournage dans la jungle.
Toujours bouillonnant de projets (un livre, deux films), le cinéaste de 82 ans ne semble pas prêt à baisser les armes. Son dernier film sorti en France (Au cœur des volcans) ainsi qu’une rétrospective au Centre Pompidou en décembre dernier l’attestent. Il déclare que le sens a plus d’importance pour lui dans la vie que le bonheur, une leçon à méditer.