Quand la panthère rose s’emmêle (1976), cinquième volet de la saga mais seulement quatrième avec Peter Sellers, atteint encore plus souvent que les volets précédents ce que Stanley Kubrick décrivait comme une « extase comique » quand il évoquait ce que l’acteur parvenait à atteindre lors des séances d’improvisation pour Lolita (1962) et Docteur Folamour (1964). C’est sans conteste le meilleur Panthère rose réalisé par Blake Edwards. Il marque l’apogée de l’humour burlesque et du chaos organisé autour du personnage mythique de l’Inspecteur Clouseau, interprété par Sellers.
La conjonction de plusieurs éléments l’explique aisément. Tout d’abord, une intrigue de film d’espionnage totalement déjantée qui, contrairement aux volets précédents, ne s’embarrasse pas d’enquêtes sur des affaires de vol ou de meurtre. Ici, l’ancien chef de Clouseau, Charles Dreyfus (Herbert Lom), devenu fou à cause de lui, s’évade d’un asile psychiatrique et décide de détruire le monde pour se venger. Il s’empare d’une super-arme laser et exige que Clouseau soit éliminé, envoyant des tueurs internationaux à ses trousses. Clouseau, malgré lui, déjoue toutes les tentatives d’assassinat, de manière aussi involontaire qu’hilarante.
De plus, Peter Sellers y incarne un Clouseau plus maladroit et excentrique que jamais, laissant libre cours à son accent français caricatural et sa gestuelle comique. Il joue sur un décalage constant entre son arrogance et son incompétence, renforçant l’effet comique. Ses improvisations et son sens du timing comique confèrent ici au génie, avec des scènes devenues cultes, notamment celle où il se déguise en Quasimodo, ou encore quand il tente de soigner la carie de Dreyfus alors que son maquillage est en train de couler.
Herbert Lom, qui était déjà un acteur installé quand Sellers faisait ses débuts avec lui dans Tueurs de dames (1955), excelle ici dans le rôle de l’ancien patron de Clouseau. Son Charles Dreyfus devient un véritable super-vilain, proche d’un méchant de James Bond ou d’un Dr. Strangelove comique. Ses crises de nerfs incontrôlables à cause de Clouseau sont parmi les moments les plus drôles du film. Sa transformation en dictateur du mal, avec sa base secrète et son arme de destruction massive, pousse la saga vers un délire mégalomaniaque irrésistible.
Louons aussi la réalisation de Blake Edwards qui pousse son sens du burlesque et du slapstick à son paroxysme, rendant chaque gag visuel parfaitement fluide et rythmé. Il insuffle au film un dynamisme digne des cartoons, renforcé par la musique culte d’Henry Mancini, qui accompagne chaque maladresse de Clouseau.
Si le film a inspiré de nombreuses comédies ultérieures, notamment Austin Powers (Mike Myers s’est inspiré de Clouseau pour son jeu burlesque), il a été suivi de quatre suites à la qualité décroissante (Sellers disparaît prématurément en 1980). Quand la panthère rose s’emmêle reste l’un des films les plus cités de la saga et le plus apprécié par le public. Il s’impose comme le point culminant de la saga grâce à son scénario absurde, ses gags millimétrés et un Peter Sellers en état de grâce. L’alchimie entre humour visuel, burlesque classique hérité du muet (Chaplin, Keaton), et parodie de film d’espionnage en fait une comédie incontournable. Une sorte de folie comique parcourt le film et lui permet d’atteindre cette extase qui plaisait tant à Kubrick et le faisait rire aux éclats.