C’est le fait que Denis Villeneuve parle de Lawrence d’Arabie (1962) qui m’a donné envie d’évoquer ici son passage dans le Vidéo Club de Konbini, une émission qui n’a pas besoin de moi pour trouver son public. « C’est un grand classique, dit-il. Et un film important pour moi. Je me souviens l’avoir vu un après-midi à Montréal quand j’étais étudiant en cinéma. J’étais seul dans la salle et je pense avoir plus appris pendant ces quatre heures que pendant mes trois années d’études. » Il poursuit : « C’est une leçon de cinéma absolument extraordinaire, sur le découpage, la profondeur de champ, sur le rapport à la lumière, le tournage en milieu naturel… A chaque fois que je vois ce film, il me force à l’humilité. Aujourd’hui, j’utilise plein de gadgets que David Lean n’avait pas à l’époque. Quand je vois ces grands plans avec 2000 chevaux, cela demandait une maîtrise absolument incroyable. Il y a dans ce film de beaux moments de cinéma qui m’ont inspiré pour Dune, notamment le plan de l’arrivée d’Omar Sharif à l’horizon, dans le désert. Un plan très difficile à faire, d’une poésie brutale que je n’ai pas souvent vue au cinéma. Un film à voir absolument sur grand écran, pas à la télévision ! C’est un de mes films préférés. »
Villeneuve poursuit en disant que Xavier Dolan le fait chier (« Il a accompli très jeune ce que je rêvais de faire, c’est-à-dire créer une planète à soi, c’est le plus difficile ! »), qu’Henri-Georges Clouzot est un réalisateur qu’il aime beaucoup (Le Mystère Picasso (1956), « à voir absolument », Le Salaire de la peur (1953), « du pur cinéma comme on n’en fait plus »). Il se révolte ensuite contre l’idée de modifier un film après sa sortie en abordant Apocalypse Now (1979) : « J’aimerais un jour avoir la chance d’en parler avec Francis Ford Coppola. Quelle mauvaise idée de revisiter un film ! On n’a pas le droit de faire ça ! L’original d’Apocalypse Now est inégalable, et je n’ai pas aimé Redux du tout. »
Villeneuve avoue ensuite son admiration pour 2001, l’Odyssée de l’espace, de Stanley Kubrick (1968) : « C’est le plus grand film de science-fiction de tous les temps. Il explore des thèmes existentiels, particulièrement la notion d’intelligence. A chaque fois que je le revisite, je vois quelque chose de nouveau, comme avec toutes les grandes œuvres poétiques. »
S’il avoue ne pas aimer les films d’horreur, il déclare logiquement son amour pour Blade Runner (1982) : « C’est un de mes films préférés. C’est un pivot pour la SF, un film déroutant. Je l’ai découvert sur petit écran, c’est un crime ! Plus tard, je l’ai revu sur grand écran. »
Enfin, il cite le génial Birth (2004) de Jonathan Glazer (en image ci-dessus), dont Jean-Claude Carrière avait écrit le scénario : « C’est un grand film. La rencontre entre un grand scénariste, un immense réalisateur et une actrice, Nicole Kidman, au sommet de son art. Je ne comprends pas pourquoi il a été aussi mal accueilli. »
« Je ne serais pas ici en train de vous parler de cinéma sans Steven Spielberg. Il m’a introduit au métier de cinéaste », dit-il en abordant The Fabelmans (2022), puis en évoquant Rencontres du troisième type (1977) : « Ce film m’a beaucoup impressionné. »
Cinéaste cinéphile, Denis Villeneuve est un artiste passionnant dont l’amour sans limite pour le cinéma a nourri sa propre œuvre, on en a ici la preuve formelle.