SANS SPOILER
Il y a quelque chose de fascinant dans Severance. Quelque chose lié au questionnement. Alors que la tant attendue saison 2 débarque enfin sur les écrans plats du monde entier via Apple TV+ (accompagnée par une incroyable promo dans la gare new-yorkaise de Grand Central), le spectateur sait instinctivement que les créateurs de la série ne vont pas donner toutes les réponses à ses interrogations. Après tout, il faut bien tenir encore dix épisodes, voire davantage si la série est prolongée, ce qui semble être prévu selon son créateur Dan Erickson, lequel déclare savoir comment la série se terminera.
Une confiance tacite s’est installée entre les créateurs de la série (dont Ben Stiller) et le spectateur. Celle-ci permet d’imposer une forme de narration labyrinthique dans laquelle chacun plonge sans peur grâce à la familiarité des décors, à la présence de personnages incarnés par des acteurs attachants, à la qualité de l’écriture et de la réalisation, et à une excellente partition musicale de Theodore Shapiro. Ce sont les conditions nécessaires pour installer d’une part la suspension d’incrédulité indispensable à toute œuvre de fiction, mais aussi – dans le cadre d’une série qui mêle thriller existentiel, science-fiction dystopique, critique du monde de l’entreprise, drame romantique, comédie et poésie visuelle – l’acceptation d’une certaine désorientation, d’un flou narratif. Et la frustration que cela peut engendrer.
Le plaisir ici en jeu est lié au mystère. Un mystère auquel le regretté David Lynch était lui aussi très attaché, tant il était élément constitutif de son univers. Les questions ne sont-elles pas souvent plus belles que les réponses ? Quant aux hasards du tournage, Lynch les accueillait avec plaisir. Une phrase de Don Erickson, dans l’interview sus-citée, fait d’ailleurs beaucoup penser à la méthode de travail du créateur de Twin Peaks : “J’aime me laisser surprendre par l’histoire. Parfois, nous rencontrons un nouveau personnage ou découvrons un nouvel endroit ou un nouvel élément de la série et j’en tombe amoureux. J’en suis le premier surpris et je me dis que je dois l’intégrer à la grande histoire… Il faut un mixe entre cette réflexion en amont et le fait de se laisser surprendre par la série.”
On sait à ce stade que la saison 2 de Severance a connu un tournage compliqué, notamment à cause des grèves de la Writers Guild of America (WGA) et de la Screen Actors Guild-American Federation, mais aussi à cause de tensions en coulisses. La vision du premier épisode de cette nouvelle saison rassure. La qualité est au rendez-vous. Et nous n’avons pas fini d’aimer nous perdre dans les couloirs immaculés de Lumon.