Redoutées, mais inévitables. Telles sont certaines fins de films qui nous terrassent. On pense parmi beaucoup d’autres à la conclusion tragique du Chinatown (1974) de Polanski, ou au regard fou de l’ancienne vedette du muet Norma Desmond (Gloria Swanson) descendant un escalier en fixant la caméra dans le dernier plan du Boulevard du crépuscule (1950). Évidemment, courez voir Vie privée (1962), le beau film de Louis Malle disponible en ce moment sur Arte, avant de lire ces lignes. L’image ci-dessus en est tirée et fonctionne comme une allégorie de la chute d’une star incarnée par Brigitte Bardot, dans un rôle plus vrai que nature.
Réalisé par Louis Malle, le film dresse le portrait troublant d’une jeune et jolie bourgeoise qui devient une star de cinéma du jour au lendemain et se retrouve harcelée par la presse mais aussi vilipendée et adulée par le public. Une vie impossible, stricte reflet de ce que l’actrice de 89 ans a vécu pendant une carrière qu’elle a écourtée en 1973, préférant consacrer sa vie à la défense des animaux.
On saisit toute l’ironie du titre choisit par Malle et son scénariste Jean-Paul Rappeneau : nommer ce qui manque permet d’en accentuer l’absence. Jill, le personnage interprété avec sensibilité par Bardot, quitte notre monde dans un plan totalement artificiel, qui chasse le réalisme pour toucher au sublime. Telle Marilyn Monroe, que l’actrice française adorait, elle creuse le fossé d’incertitude entre accident et suicide, retrouvant ainsi une liberté que les affres de la célébrité n’avaient fait qu’étouffer.
L’année suivante, Malle enfoncera le clou avec le bouleversant Le Feu follet, dans lequel Maurice Ronet s’apprête lui aussi à quitter un monde qui ne convient pas à ses désirs.