Hayao Miyazaki comme on ne l’a (presque) jamais vu. Un nouveau documentaire sort en salles chez nous ce mercredi et propose de plonger dans les coulisses de la création du dernier film du maître de l’animation japonais Le Garçon et le Héron sorti en 2023. Soit neuf années de travail intense.
Il s’agit du dernier film d’une série de documentaires réalisés depuis 2003 par Kaku Arakawa pour la NHK, la BBC japonaise. Le film suit le cinéaste de près, y compris dans ses moments d’intimité, sans que celui-ci ne semble jamais gêné par la caméra. Un extrait de la conférence de presse donnée par Miyazaki en septembre 2013 voit le cinéaste annoncer qu’il prend sa retraite du cinéma. Il ne faudra pas longtemps pour qu’il change d’avis, tant le travail de création est consubstantiel à sa nature.
Au début de Hayao Miyazaki and the Heron, il reste 3598 jours avant la sortie de son nouveau film, soit presque une décennie pendant laquelle le cinéaste va affronter ses démons pour accoucher de sa nouvelle œuvre. “J’ai trop ouvert mon cerveau pour ce projet”, avoue-t-il à la caméra. Il est vrai que Miyazaki s’est livré entièrement dans son film et ce documentaire permet de mesurer la profondeur de son implication.
Le cinéaste aujourd’hui âgé de 83 ans en ressort en vieillard solitaire, assistant impuissant à la disparition de ses proches un par un, et se demandant pourquoi il vit si longtemps. Sa connexion profonde avec Isao Takahata, avec lequel il fonda jadis le studio Ghibli (qu’il nomme affectueusement Pak-San) apparaît ici dans toute sa complexité : une amitié teintée de rivalité, d’entraide et d’émulation. Son collègue, décédé en 2018, l’accompagne régulièrement tel un esprit bienveillant avec lequel il dialogue parfois. C’est d’ailleurs lui qui l’a encouragé à faire ce film, et Miyazaki l’a inclus dans son histoire sous les traits du grand oncle.
Amoureux de la nature, fasciné par l’enfance (qu’il nomme les graines noires), le cinéaste semble en paix avec le monde et lui-même une fois son film terminé, mais en proie aux pires doutes et affres de la création pendant toute la production. Miyazaki s’accroche à la seule chose qu’il sait faire : travailler. “Si nous ne créons pas, il n’y a rien”, dit-il. Son producteur, Toshio Suzuki, ajoute : “La création est la seule chose qui le sauve.”
Miyazaki se livre sans aucune pudeur, comme si la caméra était sa confidente la plus proche. Angoisses, doutes, remords, espoir, joie et humour aussi, tout y passe. L’homme, pour qui l’imaginaire est plus réel que la réalité, aime se perdre dans son univers fictif. Quand Suzuki lui suggère de se raser la barbe, Miyazaki s’exécute et on croit découvrir un autre homme. Une fois le film sorti et le succès assuré, le cinéaste est aux toilettes quand la télévision annonce sa victoire aux Oscars, ce qui est révélateur.
Seul regret, l’apparition bien trop fugace de Joe Hisaishi, son compositeur fétiche.
Par un extraordinaire montage fluide et sans affèteries, le documentaire se savoure non pas comme une entreprise hagiographique à l’américaine, mais plutôt comme un portrait intime d’une simplicité désarmante, soit l’exact opposé du récent film sur John Williams. Espérons qu’il ne faudra pas encore une décennie pour savourer en salles le prochain film de Miyazaki.