Rarement critique du système hollywoodien aura-t-elle été aussi acerbe. Le Jour du fléau (The Day of the Locust) de John Schlesinger, sorti en 1975, adapté du roman de Nathanael West L’Incendie de Los Angeles publié en 1939, évoque le désespoir et la condition d’un groupe d’individus dont les rêves de succès se heurtent à la réalité. L’adaptation à l’écran fut assurée par le scénariste Waldo Salt et par le réalisateur John Schlesinger, avec Donald Sutherland, Billy Barty, Karen Black, William Atherton et Burgess Meredith dans les rôles principaux.
Le film décrit la face sombre de l’industrie du cinéma à la fin des années 1930, entre illusions perdues, obsession de la célébrité et violence sociale. L’actrice incarnée par la touchante Karen Black, incapable de percer dans le métier, doit se résoudre à se prostituer pour subvenir à ses besoins. Alors que l’accident d’un décor met la vie de figurants en danger, la non-prise en compte des mesures de sécurité est occultée par les dirigeants du studio, the show must go on…
Réalisé par John Schlesinger (Macadam Cowboy, Sunday Bloody Sunday), le film transpose l’atmosphère hallucinée du roman à l’écran avec une mise en scène stylisée et une photographie éclatante signée Conrad Hall (nommé à l’Oscar). Les images sont magnifiées par la musique douce-amère de John Barry qui signe ici un score marquant dans sa veine la plus mélancolique. S’il aurait gagné à opter pour un montage un peu plus serré (le film dure 2h24), le film bénéficie de performances solides de ses interprètes, notamment le méconnu William Atherton dans le rôle principal, ainsi que Donald Sutherland (dont le personnage s’appelle Homer Simpson comme dans la série animée !), qui joue un timide obsessionnel.
Contrairement aux fresques glamour sur l’âge d’or d’Hollywood, comme Chantons sous la pluie (1952), Le Jour du fléau dépeint un monde de désillusion où des personnages marginaux, abîmés par leurs rêves de grandeur, sombrent dans la folie et la violence. Il annonce, en cela, le cynisme et la noirceur de nombreux films post-Nouvel Hollywood.
La scène finale de l’émeute devant une avant-première est l’un des moments les plus impressionnants du film, une explosion de chaos et d’hystérie collective qui symbolise l’effondrement du rêve hollywoodien.
Mal accueilli à sa sortie, Le Jour du fléau est aujourd’hui réévalué comme un film visionnaire qui a influencé de nombreux cinéastes (David Lynch, Paul Thomas Anderson) dans leur manière de représenter le malaise sous-jacent du spectacle et de la célébrité.
Dérangeant et fascinant, ce film mérite d’être redécouvert pour son audace et son regard acéré sur l’envers du décor hollywoodien. L’image de ce palmier en feu fait écho aux récents incendies qui ont ravagé certaines parties de Los Angeles, mettant encore plus en difficulté une industrie cinématographique déjà fragile. Depuis 1939, beaucoup de choses ont changé à Hollywood, mais le chaos est toujours à deux doigts de frapper.
Le film est disponible en DVD ainsi que sur certaines plateformes de streaming.