Quelque chose s’est cassé depuis un bon moment déjà dans l’industrie musicale. Les nouveaux albums d’artistes indépendants peinent à trouver leur chemin dans les bacs des disquaires français, faute de distribution. On pourrait croire que, le streaming étant devenu le mode de consommation majoritaire de la musique, les artistes y trouvent leur compte et touchent une rémunération proportionnelle à leur talent et leur succès. Ce n’est évidemment pas le cas. La chanteuse Bjork le soulignait encore récemment (« Spotify est la pire chose qui soit arrivée aux musiciens »). J’avais évoqué il y a peu le formidable album de The Innocence Mission, difficilement trouvable chez nos revendeurs. Le même cas de figure se produit pour le nouvel album de C Duncan, un artiste écossais qui a sorti vendredi son cinquième album, It’s Only A Love Song.
Ce nouvel opus est celui de la maturité pour l’artiste qui touche ici à l’aboutissement de la construction de sa cathédrale de pop orchestrale sophistiquée (après tout, son premier album en 2015 s’intitulait Architect). Déjà, Alluvium (2022) avait marqué une étape importante avec ses mélodies à tomber, ses ambiances tantôt synthétiques, intimistes, ses chœurs subtiles, ses guitares pétillantes, sa pop d’une beauté à tomber. It’s Only A Love Song laboure le même sillon pour une moisson de toute beauté dans laquelle le piano est au centre d’une architecture d’orfèvre.
Déjà, la chanson titre met la barre très haut avec ses arrangements de cordes, son chœur mixte, sa mélodie de comédie musicale, l’évidence avec laquelle elle impose une sorte de magie colorée, bien utile dans ces temps troubles. Une chanson qui traduit à merveille l’ivresse de l’amour qui s’est emparée du chanteur/compositeur Christopher Duncan, né en 1989, fils de parents musiciens classiques. Initié très tôt au piano et à l’alto, C Duncan a suivi un enseignement classique avant d’entamer une carrière d’artiste-interprète et de voir plusieurs de ses morceaux utilisés dans des programmes TV.
Le reste de l’album déroule à merveille la pelote d’une pop ambitieuse, dream pop diront ceux sensibles à la signature sur le label Bella Union de l’ancien Cocteau Twins Robin Guthrie. Le troisième single, Think About It, enchante par son énergie positive qui donne envie de danser. Parsemé d’échos du Leonard Bernstein de West Side Story ou du travail de Jacques Demy, ce cinquième album distille une pop en écran large digne des plus grands, paradoxe quand on sait l’album auto-produit et joué quasiment entièrement par l’artiste, à l’exception d’une aide parentale pour la section de cordes. C Duncan conçoit aussi les pochettes de ses disques, c’est dire si l’homme est talentueux.
It’s Only A Love Song est un baume au cœur, tour à tour enchanteur, luxuriant, mélancolique, et savoureux.
Si l’album vous plaît, n’hésitez pas à l’acheter sur le site de l’artiste, seule façon à ce jour de le soutenir efficacement, faute de date de concert chez nous.